Esdras : Retour sur le parcours d'un passionnée
Par Ekklectic - Photos : J.Lentin
À l'initiative de plusieurs projets, Esdras est l'un des artistes les plus influents de la musique gospel urbaine actuelle. Fondateur du concept Corps & Esprit et à la tête du club de foot Sport & Foi, il amène une nouvelle vague de culture et de divertissement.

Tu es issue du groupe El Bethel et tu as par la suite évolué au sein du groupe Mekaddishkem. Qu’est-ce que tu retiens de ces deux expériences, que ce soit sur le plan humain, émotionnel et surtout sur le plan artistique ? Les bons souvenirs comme les mauvais ?
El Bethel, c'est l'école ! J’ai commencé la musique beaucoup plus jeune avec la batterie et en accompagnant des artistes de la scène congolaise de l'époque. Il y avait maman Blanche Tudilu, par exemple, pour qui j'ai fait la tournée au Canada. Mais celui qui m’a vraiment fait bosser la musique, c’est Olivier Kalabasi avec son groupe El Bethel. Il m'a appris la rigueur et il m'a montré comment travailler en répétition. Avec Olivier, c'était beaucoup de travail ! On pouvait avoir jusqu’à quatre répétitions par semaine, tout en sachant que l'on était à l’école en même temps. C’est un passionné de musique qui nous a vraiment transmis son éthique de travail. Et d’ailleurs, je pense que beaucoup d'artistes de ma génération qui ont commencé la musique congolaise ont été influencés par lui. Je bénis le Seigneur, car j'ai eu la chance de le côtoyer de près et c'est un canal de bénédiction pour ma vie. Jusqu'à maintenant on parle encore très bien ensemble !
Avec Meka, on a ramené quelque chose d’un peu plus occidentalisé. C'est un peu comme l'enfant d'El Bethel, qui, à la base, était un groupe très focus sur la musique congolaise. Par rapport à ce qui se faisait avant, notre son à nous était de l'afro qui visait à toucher un plus grand public.
Au niveau expérience musicale, ces deux groupes m'ont apporté beaucoup de contacts. J’ai aussi pu rencontrer pas mal de pointures dans le monde des studios par rapport à ce parcours-là, justement, et je bénis le Seigneur pour ça. Quand tu es un musicien qui a joué pour Olivier Kalabasi, derrière, il y a une certaine reconnaissance de la part de plusieurs médias et de plusieurs artistes.
Et en ce qui concerne la fin de Mekaddishkem, on a fait ce qu'on devait faire pendant le temps que ça a duré. On aurait vraiment voulu continuer, mais Dieu en a décidé autrement. Aujourd’hui, on est en solo, moi de mon côté et Jonathan du sien, mais on reste frères. Et tout à l’heure encore, on était au téléphone ensemble. Lui et Olivier m'ont énormément apporté, ces deux groupes m'ont forgé et m'ont fait grandir.
Avec Mekaddishkem, votre image a toujours été très pimpée et c'était pleinement assumé. On sentait qu’il y avait cette volonté d’apporter du neuf, que ce soit musicalement, artistiquement ou visuellement. Est-ce qu'à cette période vous étiez conscients d'être précurseurs de quelque chose de nouveau ? Où vous étiez plutôt en mode « Vas-y c’est juste un délire entre potes ! On n’aime et on sait faire de la musique ensemble, donc on va juste le faire et si ça prend, tant mieux, si ça prends pas, tant pis » ?
On était très conscients de ce que l'on faisait. D'ailleurs, l'authenticité est une valeur qu'Olivier nous a inculquée. Il ne faut pas travestir ce que l'on est, parce que devant Dieu, déjà, faire semblant d'être ce que tu n’est pas est un péché. Faire la brebis alors que t'es un loup, tu vois (rires). Et nous, on était jeunes, mais on était passionnés de Christ. Donc, on s'est tout simplement dit : « On va être nous-mêmes ! » On aimait vraiment la mode et, à cette période-là, c'était les grosses ceintures avec pleins de diamants dessus (rires). Les grosses lunettes avec les perfectos qui avaient des pics partout. On s'est clairement dit : « Ouais, est-ce que nos habits et notre style vont nous éloigner de Dieu ? » On a compris que non, donc on s'habillait comme on voulait.
Après, bien sûr qu'en grandissant on a pris conscience que, parfois, il fallait plus ou moins dosé et ne pas être victime de la mode (rires). Parce que le pas entre le style et la mode est très limité. Et quand je parle de la mode, c'est vraiment le fait d'en devenir victime. Quand on dit « fashion-victime » , par exemple, on ne s'en rend pas forcément compte tout de suite. Mais c'est genre, quand il y a une nouvelle collection qui sort, la mode, elle te tabasse (rires) ! Elle tabasse ton compte bancaire, parce que tu dois absolument t'acheter cette paire de chaussures, donc au final, t'es même plus libre de faire ce que tu veux avec ton argent, parce que tu es esclave, en quelque sorte; tu es victime de la mode.
Tu fais régulièrement des lives où tu abordes des sujets de société. Par exemple, tu as eu à parler de l’homosexualité, du covid, du pass-sanitaire et du panafricanisme… Est-ce que c’est important pour toi d’être polyvalent et d’avoir cet aspect où, entre guillemets, tu « éduques » les personnes qui te suivent ? Dans le sens où tu ne fais pas seulement de la musique pour eux mais tu leur permets également d’apprendre des choses avec toi.
L’un des passages que j'aime le plus dans la Bible, c’est la parabole des Talents. Dans cette parabole, Jésus parle d'un maître qui avait donné plusieurs talents à ses serviteurs. Donc quand Dieu te donne un don, un talent, il exige que tu le fructifies tu vois. C’est une notion qui n’est pas humaine ! C'est-à-dire que, pour lui, il est impossible que tu ne fasses rien de ce qu'il t'a donné. Et quand c'est le cas, c'est super insultant pour lui. C’est pour ça que tous les talents et toutes les petites passions que j’ai, j’essaie vraiment de faire en sorte qu'elles soient au service de Dieu.
Je n'ai pas besoin de rentrer dans les cases de l’industrie où quand tu es un artiste, tu dois « faire » l’artiste, tu dois être un artiste noir. Il y a plein de domaines que je veux explorer, et là, c'est que le début ! Il y a des choses qui arrivent dans le cinéma aussi ! Je fais en sorte que tout ce que Dieu m'inspire voie le jour et bénisse d'autres personnes; c’est ça le sens de ma vie.
